Introduction

J’ai vu tomber la montagne, le sphinx perdre son nez: le mont Granier s’est écroulé.

Les montagnes ne sont donc pas éternelles.

Loin d’être immuables, l’érosion en fait des zones subissant de perpétuelles transformations,
aux contours sans cesse redessinés. L’érosion sculpte la montagne.

Ce constat m’a amené à redéfinir mes recherches portant sur ce massif de la Chartreuse,
où je vis et travaille, cœur de ma pratique.

Comment peut-on définir la montagne? Par une pierre, la moitié ou un fragment de pierre.
Le prélèvement est l’action qui anime et charpente ce projet. Collecter des pierres sur la montagne.
Extraire l’argile produite par l’érosion. Ou encore prendre des empreintes partielles de la masse rocheuse.

Les matériaux utilisés sont donc ceux que le massif met à ma disposition. La matière première
est prélevée à la source même du sujet. Ainsi la montagne devient la matrice de l’œuvre,
la technique qui la compose. La matière dont le sujet est composé, devient le matériaux de la composition.

Au delà des techniques mises en œuvre, un autre élément important dans ma pratique
est l’implication physique qu’elle nécessite. Arpenter le massif, charrier le matériel
pour le travail sur site, récolter les matériaux pour la production en atelier.

Le projet Répéter la montagne interroge la constitution même du paysage: ce qui l’édifie et ce qui le modifie.
Ce qui le structure et lui confère son caractère sensible. Les pièces présentées ici résultent
de protocoles précis, nourris par une combinaison d’expérimentations en atelier,
d’observations et d’actions de terrain. Bien qu’imaginaires, ces volumes et dessins n’en sont pas
pour autant affranchis de toute représentation du monde. Au contraire, ils en deviennent
des empreintes poétiques du réel, des témoignages de la propre gestation du paysage et
des processus qui le façonne.